Le Pentateuque a été traduit en grec à Alexandrie avant 210 avant notre ère (probablement avant 250, peut-être avant 282) d'après un texte hébreu issu de la communauté juive de Palestine. C'est la base de la Septante (abrév. : LXX).

Puis les autres livres de la Bible juive seront également traduits en grec. Par exemple :
- les Psaumes, traduits au début du IIe siècle av. notre ère, sans doute à Alexandrie
- les XII, traduits à Alexandrie entre 200 et 150, après les Psaumes et avant Isaïe
- Isaïe, traduit à Alexandrie entre 170 et 132.

La version originale de la LXX est appelée Vieux Grec ou Urseptuagint ("Septante originale" en allemand).

Plus tard, ce texte sera revu et corrigé pour se conformer au texte hébreu du moment.

Il y eut une révision dite "proto-lucianique", réalisée aux IIe et Ier siècles avant notre ère pour rendre le Vieux Grec conforme au texte hébreu palestinien dont certains manuscrits de Qumran fournissent des échantillons.

Une autre révision de la LXX fut effectuée en Palestine entre 30 et 50 de notre ère. Elle est l'œuvre de plusieurs réviseurs dont un seul est connu : Théodotion (qui est peut-être Jonathan ben 'Uzziel). Elle est connue sous le nom de révision kaigé parce qu'elle traduit le mot hébreu gam       ("aussi") par le mot grec kaige kaige ("au moins"). Ainsi le texte du Livre de Daniel contenu dans le manuscrit nommé Codex Vaticanus est dû à une révision de la LXX par Théodotion. Mais outre ce travail de révision, le groupe kaigé réalisa également un travail de traduction : les versions grecques des Lamentations de Jérémie, sans doute du Cantique des Cantiques et du Livre de Ruth sont l'œuvre du groupe kaigé. Le traducteur des Psaumes a certainement influencé le groupe kaigé : l'un comme l'autre traduisent en effet Yahweh Sabaoth                            par Kyrios tôn dynameôn kurioV twn dunamewn (alors que le traducteur du Pentateuque écrit Kyrios pantokrátôr kurioV pantokratwr). A l'époque de la traduction des Psaumes, Sabaoth cesse d'être un simple épithète de Dieu pour devenir l'un des sept nomina sacra. L'expression Yahweh Sabaoth est traduite en français par le Seigneur le tout-puissant (T.O.B.) ou par l'Eternel des armées (Segond). Le nom Pantokrátôr, toujours accolé à Kyrios dans le Pentateuque mais utilisé seul près de 200 fois dans les autres livres bibliques, deviendra un nom de la divinité solaire dans le syncrétisme païen, alors qu'il était ignoré des auteurs grecs classiques. La LXX aurait ainsi banalisé un des noms divins des Hébreux. Le Livre de Zacharie emploie 42 fois l'expression Yahweh Sabaoth ; elle est traduite 40 fois par kurioV pantokratwr, une fois par kurioV o qeoV o pantokratwr (Zacharie 10 : 3) et une fois par kurioV twn dunamewn (Zacharie 7 : 4). Sans doute faut-il voir dans ce dernier cas la main d'un réviseur. Maria Victoria Spottorno Díaz-Caro estime que la mention twn dunamewn est absente dans le papyrus 7Q5 qu'elle attribue à Zacharie VII : 4-5. Peut-être que le copiste, hésitant entre les deux formules ou refusant d'utiliser une expression probablement étrangère à Zacharie, a tout simplement décider de n'en copier aucune.

Le but de la révision kaigé était de rendre le texte de la LXX conforme au texte hébreu dit "protomassorétique" qui tendait à devenir la norme parmi les différentes variantes en circulation au Ier siècle de notre ère. Deux événements vont influencer les révisions suivantes : l'émergence du christianisme (qui considère également la LXX comme texte sacré) et la fixation du Canon juif à Jamnia (Yabné) entre 90 et 100 de notre ère, aux lendemains de la destruction de Jérusalem par les Romains. Le but d'Aquila et de Symmaque au IIe siècle sera en effet de rendre le texte grec conforme à la Bible hébraïque officielle fixée à Jamnia. Ils remanient généralement un texte déjà révisé par le groupe kaigé-Théodotion.

La révision d'Aquila daterait des années 128-129, peut-être un peu plus tard. Elle s'écarte considérablement de la LXX, au point qu'on doit plutôt la considérer comme une nouvelle traduction. Elle a tendance à remplacer khristós par eleiménos pour éviter une terminologie chère aux chrétiens.

Vers 160 (plutôt que vers 200) Symmaque aurait lui aussi travaillé sur un texte déjà révisé.

Les réviseurs juifs modifièrent ainsi le Vieux Grec pour en supprimer les inexactitudes ou pour l'adapter à l'évolution du texte hébreu. Le projet des recenseurs chrétiens fut tout autre : face à la diversité des données manuscrites, ils cherchèrent à établir un texte fidèle. A la différence des réviseurs, ils ne créèrent rien mais firent des choix. La LXX connut trois recensions : celle d'Origène en Palestine dans la première moitié du IIIe siècle, celle de Lucien d'Antioche en Asie Mineure au IVe siècle et celle attribuée à Hésychius.

Origène modifie l'ordre des mots pour le rendre conforme à celui de l'hébreu ; il hébraïse la transcription des noms propres ; il utilise des signes critiques pour distinguer le Vieux Grec de ses révisions ultérieures. Mais au cours des siècles, ces signes furent mal reproduits. Cette recension remarquable a donc eu des conséquences très néfastes sur le plan textuel. Le Vieux Grec et ses révisions se sont progressivement confondus en un texte éclectique. Du fait de sa notoriété, cette recension a contaminé le reste de la tradition manuscrite.

Lucien comble les lacunes du grec par rapport à l'hébreu. Pour se faire il a recourt tantôt à la recension d'Origène, tantôt aux révisions juives, surtout celle de Symmaque. Souvent la leçon hébraïsante ne remplace pas celle de la vieille LXX mais Lucien note les deux variantes. Enfin, il modifie pour expliquer (il emploie des noms propres au lieu de pronoms ; il remplace divers termes par des synonymes) et corrige le style et la grammaire pour parfois se rapprocher du grec attique.

L'existence de la recension égyptienne dite d'Hésychius est hypothétique.

De copistes en copistes, les différentes variantes du texte vont produire les manuscrits encore disponibles aujourd'hui (Codex Vaticanus, Codex Sinaiticus, 8HevXIIgr, les manuscrits de Qumran, etc). La philologie sait reconnaître dans le texte d'un manuscrit ses différentes sources. La Septante, version grecque d'une variante judéo-égyptienne non massorétique du texte hébreu, demeure le texte sacré de l'Ancien Testament pour les chrétiens grecs orthodoxes. Tandis que la Tanakh, la Bible juive, est issue d'une autre tradition textuelle, la Massorah, descendante de la variante judéo-palestinienne du texte hébreu.

d'après Gilles DORIVAL, Marguerite HARL, Olivier MUNNICH. La Bible grecque des Septante.
Éditions du Cerf / Éditions du C.N.R.S., 1994.

voir aussi http://septante.editionsducerf.fr

V. Spottorno. " Ùna nueva possible identificacion de 7Q5 ", Sefarad 52 (1992) 541-3
La Septante et la kaige : de la Torah à Zacharie.
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