Dans le triangle compris entre les villages de Savigny, de Gircourt-lès-Viéville
et de Bouxurulles (1), se trouvent deux petits bois : l'un, au centre, sur
le territoire de Savigny ; l'autre, appelé Bois du Mont, dépendant
de la commune de Bouxurulles.
A 30 ou 40 mètres de la lisière, à la pointe sud du premier,
se trouve un tumulus d'une quinzaine de mètres de diamètre,
mesurant encore 1 m. 30 environ de relief. Il est formé d'un sable
de nature gréseuse, ramassé aux alentours.
Il ne semblait pas avoir été fouillé, mais une légère
dépression, allant du centre à la périphérie dans
la direction du sud-est, permettait de croire que l'on avait extrait une souche
en cet endroit du tumulus. Il était à craindre que, de ce fait,
la sépulture ait été bouleversée. Un grand trou,
pratiqué au centre du tertre, nous permit de nous assurer de l'exactitude
de cette prévision : le tumulus était vide. Les grosses racines
poussées au nord et au nord-est d'un chêne plus que cinquantenaire,
occupant la partie sud de l'amoncellement de terre sableuse, avaient été
coupées au ras du trou, ce qui attestait un remaniement peu ancien
du tumulus, extraction de souche ou fouille faite à l'insu de l'Administration
forestière.
Au Bois du Mont, à l'extrémité sud, dans l'angle formé
par le chemin de Bouxurulles à Mirecourt et celui de Savigny, à
hauteur du point coté 384 sur la carte au 1/80 OOOe, se trouve un autre
tumulus (2).
La nature du sol est la même qu'au bois de Savigny; mais, par contre,
il est fort malaisé de se rendre compte aujourd'hui des proportions
primitives de ce tumulus, car il a été profondément modifié
dans son ensemble extérieur. Son diamètre m'a paru supérieur
à celui du précédent.
Il avait été saccagé, il y a une huitaine d'années,
par des personnes du pays, qui sans doute y cherchaient tout autre chose que
ce qu'on pouvait espérer y rencontrer. Une grande tranchée avait
été creusée de l'est à l'ouest, et poussée
à une si grande profondeur, nous a-t-on raconté, que les fouilleurs
improvisés faillirent être ensevelis sous un éboulement.
Le résultat de ce gros travail fut la découverte d'un petit
fragment de bronze.
Ayant remarqué au centre du tumulus la présence d'une grosse
souche de hêtre, dont les racines s'enfonçaient entre les matériaux
rocheux d'un pierrier sous lequel nos prédécesseurs avaient
creusé en galerie, pour ne pas avoir la peine de l'extraire, nous entreprîmes
de l'arracher, dans l'espérance de trouver la sépulture sous
les racines.
A l'inspection du sol, il était facile en effet de se rendre compte
que la galerie passait en-dessous du niveau archéologique, la couche
attaquée appartenant manifestement au sol en place, pour des yeux habitués
aux recherches.
A 0 m. 30 de profondeur, entre les premières pierres, se trouvaient
les restes d'un gros anneau de bronze creux, fortement décomposé,
qui me parait hallstattien. Sous une petite pierre plate, à 0 m. 60
en dessous, nous recueillîmes un petit vase fendu en plusieurs morceaux,
et presque complet, ne contenant plus que de la terre.
Cette poterie a été façonnée assez grossièrement
à la main, au moyen d'une pâte fort peu soignée et cuite
d'une façon très irrégulière, de couleur passant
du brun clair au gris et au rouge brique. Trois sillons creusés peu
profondément, parallèlement l'un à l'autre, ornementent
la partie la plus saillante de l'objet, qui mesure 0 m. 005 d'épaisseur
en moyenne, 0 m. 12 de hauteur, 0 m. 18 de largeur à la panse et 0
m. 13 à l'ouverture. (Voir la planche.)
L'anneau de bronze, autant qu'on peut en juger étant donné son
état de décomposition, avait 0 m. 09 de diamètre intérieur.
Il se composait d'un ruban de bronze, épais de moins d'un millimètre,
dont les bords ont été repliés vers l'intérieur,
de façon à laisser entre eux une solution de continuité
large de 0 m. 005. Cet anneau est bombé vers l'extérieur, haut
de 0 m. 014, large de 0 m. 009. (Voir la planche.) Il
devait être porté soit au haut du bras, soit à la jambe:
l'une de ses extrémités était disposée de façon
à rentrer dans l'autre, ce qui assurait la fermeture du cercle. J'avais
espéré découvrir à la loupe des débris
de garniture conservés par l'action des composés cuivriques,
mais je n'ai rien trouvé de semblable: les grains de sable incrustés
dans le vert de gris de l'intérieur attestent, au contraire, que cet
ornement était porté tel qu'il est encore aujourd'hui.
Au même niveau que le vase, et à environ 0 m. 50 de distance
de celui-ci, dans la direction du sud, quelques pierres plates, posées
de champ, de distance en distance, limitaient une fosse, large de 0 m. 50
environ, ayant contenu un corps, orienté nord-sud.
A part un fragment de fémur, un autre de tibia et un autre de péroné
l'accompagnant, il ne restait aucun débris d'ossements, si ce n'est
un os tarsien, bien conservé grâce à cette circonstance
qu'il était en contact avec un groupe de trois pierres calcaires. C'est
également à des contacts semblables que les autres débris
osseux précédemment énumérés devaient leur
conservation relative.
Aucune trace de mobilier funéraire dans la tombe, si ce n'est un fragment
de silex corné, non patiné, ayant pu servir de poinçon.
Il mesure 0 m. 05 de long et son épaisseur varie de 0 m. 01 à
0 m. 015 ; il se trouvait dans la terre de remplissage, dans la partie la
plus rapprochée du vase (3).
Il est regrettable que le reste du tumulus ait été antérieurement
saccagé, car il présentait peut-être d'intéressantes
particularités, de nature à être l'objet d'observations
précieuses.
Le vase que nous avons découvert faisait-il partie du mobilier de la
sépulture par inhumation, ou bien sommes- nous en présence de
deux sépultures, inhumation et incinération ? La nature du sol
du Bois du Mont, éminemment défavorable à la bonne conservation
des ossements, suffirait à expliquer la disparition complète
des débris d'os à demi calcinés qui auraient pu se trouver
primitivement dans le vase.
En ce qui concerne la sépulture par inhumation, peut- on la considérer
comme intacte ? Il est permis d'en douter; car, si un petit nombre de pierres
formant parements étaient encore en place, les autres manquaient,-
notamment celles des extrémités. Or, il est peu probable que
l'entourage protecteur du corps ait été incomplet à l'origine.
En outre, le gros du pierrier semblait se trouver, non pas au-dessus du corps,
mais au-dessus même du vase. Aurait-on utilisé une certaine quantité
de pierres préalablement enlevées à une tombe plus ancienne,
contenant une inhumation datant peut-être de l'Age du bronze, pour l'aménagement
d'une autre, de date plus récente, qui serait une incinération
hallstattienne ?
Il est impossible d'être affirmatif, soit dans un sens, soit dans l'autre
; mais à choisir entre les deux, je me rangerais plus volontiers à
la deuxième hypothèse, dont j'ai pu constater déjà
pas mal d'exemples.
Jules BEAUPRÉ, 1911